Les rêveurs de grands chemins, les solitaires dont le visage est une flamme, ils marchent lentement dans le soir qui descend. Leur corps est déboîté du côté de l'âme, leurs bras sont grands ouverts et le vent les devance, faisant s'incliner les blés en livrée de fête; accueil à ce qui va.
Ils ne se nourrissent de rien, sinon de miettes hasardeuses, tombées du ciel d'un livre, de semis de lumière, oubliés dans l'épaisseur de l'encre; de quoi réjouir les cigales et charmer le silence.
L'amour frappe ses hôtes de stupeur, lorsque pour eux il fragmente les sources et partage les lumières.
Ceux qui, de lui, pourraient dire quelque chose sont atteints de silence.
Pour louer l'aube première, ils lui confient les nervures de leur main, celle qui écrit qu'elle lui soit soumise, comme le feuillage au vent qui l'enchante.
Que la blancheur de la page soit celle de la table à laquelle tu seras, un jour, convié....
Et pourtant!
Un jour on sort du paradis et on voit ce qu’est le monde : un palais pour les menteurs et un désert pour les purs...!
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Ce qu'on pressent d'une chose est bien plus éprouvant que la chose elle-même.
Je me demande comment les enfants survivent à leur chagrin...!
- Christian Bobin
Extraits de Textes choisis, partager par Paul Vissenaekens