Ne dites pas : mourir ; dites : naître.
Croyez.
On voit ce que je vois et ce que vous voyez ;
On est l’Homme mauvais que je suis, que vous êtes ;
On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fêtes ;
On tâche d’oublier le bas, la fin, l’écueil,
La sombre égalité du mal et du cercueil ;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère ;
Car tous les Hommes sont les fils du même Père ;
Ils sont la même Larme et sortent du même Oeil.
On vit, usant ses jours à se remplir d’orgueil ;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe...
On monte.
Quelle est donc cette aube ? C’est la Tombe.
Où suis-je ? Dans la Mort.
Viens ! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux.
On tremble ; on se voit nu,
Impur, hideux, noué des mille noeuds funèbres.
De ses torts, de ses maux honteux, de ses ténèbres ;
Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini...
Qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on Est béni, sans voir La main d’où tombe à notre âme méchante.
L’Amour, et sans savoir quelle est La voix qui Chante.
On arrive Homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent fondre et vivre ; et, d’extase et d’azur s’emplissant.
Tout notre être frémit de la défaite étrange.
Du monstre qui devient, dans La Lumière, un Ange.
- Victor Hugo
(Ce que c’est que la mort. Les contemplations.)